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Discours de Daniel YVON

Xème Anniversaire de la Filière Bilingue 11 novembre 2000

Père Cadouellan, qui représentez  Monseigneur Gourvès
Monsieur Godin, notre directeur diocésain,
Monsieur Delatouche, représentant le Codiec
Madame Guillou Moinard représentant la Région Bretagne,
Monsieur Névanen, représentant le Conseil Général du Morbihan,
Madame Le Dantec, représentant Monsieur le Maire de Vannes,
Messieurs les représentants des Pays Basques Nord et Sud,
Mesdames et Messieurs les membres des associations de Saint Guen et d’ailleurs,
Mesdames et Messieurs, chers amis,

C’était par un bel après-midi de mai 1990. Yannick Baron faisait un « Tro Gwened », un tour de Vannes, allant d’écoles catholiques en écoles catholiques pour proposer un projet de classe bilingue. Il avait rencontré beaucoup de refus avant d’arriver sur la cour de notre école. Deux enseignantes de maternelle, Bernadette et Gabrielle surveillaient la récréation. Il les aborde, leur expose son projet : première chance, elles étaient toutes deux bretonnantes !  Mais aussi respectueuses de la hiérarchie : c’est ainsi que Yannick se retrouva dans mon bureau.

Deuxième chance vous allez voir ! Je dois à la vérité de dire que de cette première rencontre je n’ai pas gardé grand souvenir. Pour moi, Y B évoquait Groix où nous sommes nés tous les deux, la grange ou l’écurie de son père, je ne sais, qui jouxtait la cour de l’école où, enfant, j’usais mes fonds de culottes, et les ballons qui passaient par dessus le filet de pêche qui servait de grillage et qu’on ne revoyait plus ou dont il fallait aller négocier auprès de son père le retour sur la cour. Et cela ne se passait pas toujours facilement.

Malgré cela ou à cause de cela – bien des années ont passé depuis cette époque – j’eus un préjugé favorable pour ce projet. Nous n’avons donc pas eu beaucoup de mal à nous entendre sur le principe de cette classe bilingue. Dans mon esprit – et YB savait bien vendre son produit – je voyais pour notre école l’occasion de la relancer sur un projet innovant – non par goût de la nouveauté pour elle-même – mais parce que ce projet paraissait sérieux.

Les deux derniers mois de l’année scolaire 1989-1990 se passèrent en étude du projet. Jean-Claude Le Ruyet – actuel conseiller pédagogique pour le Breton – et alors enseignant bilingue est venu nous expliquer son fonctionnement : l’enseignant bilingue enseigne en maternelle le matin, en primaire l’après-midi : les enfants sont donc à mi-temps dans leur classe de français et à mi-temps dans leur classe bilingue.

Nombreuses furent les interrogations, les inquiétudes, les questions. Ses réponses furent sans doute claires, rassurantes puisque nous avons décidé le principe de l’accueil de cette classe bilingue pour l’année suivante.

Le directeur diocésain de l’époque – paix à son âme – marquait quant à lui quelques réticences. Il vint me voir un jour : « Croyez-vous que vous aurez assez d’élèves pour ouvrir une classe ? » Que pouvais-je répondre d’autre que par l’affirmative ? Mais ce n’était pas ce qui l’inquiétait le plus. Ce qui l’inquiétait c’était de faire une scolarité à mi-temps dans une langue autre que celle de sa langue maternelle. «  Croyez-vous que….  Pensez-vous que cela sera possible… » Je le rassurai dans les mesures de mes assurances de l’époque, toutes assises sur une approche intellectuelle du problème, même si nous n’étions pas les pionniers de cet apprentissage.

Dans le même temps, nous avons commencé à prendre les premières inscriptions de principe. Un sondage dans l’école elle-même laissait apparaître une petite dizaine d’élèves intéressés. Y B, quant à lui, mobilisait tous ses réseaux et une quinzaine d’enfants extérieurs  à l’école s’inscrivait.

Je me souviens en particulier d’une famille venant d’une autre école catholique de Vannes. Il y avait deux enfants. Un jour c’était oui, un jour c’était non. Des heures entières de discussion avec les parents qui posaient des questions légitimes certes mais qui n’arrivaient manifestement pas à franchir spontanément  le pas.

Là-dessus arrivent les vacances. La rentrée scolaire de cette année là était fixée au lundi 10 septembre. Le vendredi 8 alors que toute la préparation de la rentrée était faite pour toutes les autres classes de l’école, nous n’avions pas encore la décision d’ouverture ! Ce n’est qu’ en fin d’après midi qu’un coup de fil de je ne sais plus qui nous avise que le poste est ouvert sur décision du rectorat.

Vous imaginez le week-end de l’enseignant, ainsi nouvellement affecté  - Gwenaël Morio – et des parents. Mais, comme savent le faire tous les parents d’élèves, la classe était prête pour le lundi 10 septembre. 28 enfants étaient inscrits dans la première filière bilingue de l’enseignement catholique de Bretagne. Quelques temps après la rentrée, Madame Guillou-Moinard et Madame Le Dantec déjà venaient nous rendre une visite courtoise.

Dix ans ont passé. Ces 28 élèves sont maintenant 122. 3 postes et quatre enseignants bilingues sont sur le site. 240 élèves dans l’école il y a dix ans, 330 aujourd’hui !

Dix années d’échanges , de confrontation des points de vue, de difficultés aussi spécialement dans l’organisation du fonctionnement qui requiert à la fois souplesse et rigidité. Deux ou trois moments de tension extrêmes quand l’habitude prend le pas sur le dialogue.

Que retenir de ces 10 ans, quel bilan tirer si c’est le moment de tirer un bilan ?

Je dirai qu’à mes yeux, l’expérience est globalement et largement positive. Si c’était à refaire c’est sans crainte que je repartirais. Deux points peuvent à mes yeux être saillants dans cette aventure :

Le premier : nous avons fait connaître l’enseignement catholique et sa vitalité à des gens qui ne seraient jamais venus dans notre école sans le bilinguisme. Et beaucoup ont découvert chez nous autre chose que des clichés qu’ils véhiculaient peut-être ou des images qu’ils avaient gardées. Ouvert et accueillant à tous, nous avons aussi proposé, dans la liberté de chacun, le message de l’Evangile. Tenant fermement les deux bouts de cette chaîne, ouverture dans la fidélité à nos convictions, nous avons voulu faire de notre filière un signe d’enracinement dans la langue et le patrimoine de notre pays la Bretagne.

La seconde : notre expérience a réussi parce que nous avons eu la chance d’avoir dès le départ un enseignant confirmé. Cela a continué la seconde année lorsque nous avons ouvert la deuxième classe avec Jean-Baptiste Le Galloudec. Aujourd’hui, avec Bernadette Blévin, enseignante en maternelle en bilingue depuis plusieurs années et dans l’école depuis plus longtemps encore, nous avons 3 enseignants confirmés. Que de jaloux n’ai-je pas fait parmi mes collègues dans les premières années ! Depuis quelques années, la direction diocésaine et Dihun ont, avec l’aide des conseils régional et général, mis en place des formations lourdes qui permettent déjà de voir sortir du CFP nombres d’enseignants diplômés. Nous-mêmes ici, nous avons participé  fortement à cette formation ; la plupart des enseignants nouvellement sortis du CFP ont fait leurs premières armes ici. Chaque année, qu’ils soient des promotions Stumdi ou des promotions du Vincin, nos collègues leur ouvrent largement leurs classes. Ce sont ces jeunes, formés, qui sont l’avenir de l’enseignement catholique bilingue.

Enfin et j’en aurai fini, je me dois de remercier l’Ogec, l’organisme gestionnaire de l’école, sans lequel rien n’aurait pu se faire. Il faut savoir en effet que l’ouverture d’une ou de plusieurs classes bilingues génèrent des coûts supérieurs à l’ouverture d’une classe normale. Les élèves bilingues, surtout les primaires, ont deux salles de classes, deux tables, deux chaises etc…; tout est en double même l’enseignant ! Dans le même temps, les aides reçues, convention et subvention restent les mêmes. Il faut donc une volonté forte de la part des gestionnaires de se lancer dans cette aventure. Ils l’ont fait ; qu’ils trouvent ici l’expression de mes plus sincères remerciements.

Merci aussi aux associations Dihun Saint Gwenn et l’APEL dont les membres donnent chaque jour un temps précieux au service de l’école ; merci à toute mon équipe, au personnel qui font l’école St. Gwenn. A vous toutes Mesdames et Messieurs qui nous honorez de votre présence, merci,  plus particulièrement à nos amis basques qui êtes des pionniers du bilinguisme et à qui nous devons beaucoup.

Comment ne pas remercier enfin plus particulièrement YB sans qui cette réunion de ce matin n’existerait pas, lui qui a tant donné et donne encore pour la langue bretonne !

A mes collègues et aux enfants qui, hier soir sur la scène du Palais des Arts se sont montrés de grands acteurs, dans leur chantefable de Noël, en première partie du concert de la chorale du Bout du Monde, toutes mes félicitations.

Ra ma vewo pell c’hoazh Skol Sant Gwenn ; Ra ma vewo pell amzer hentenn divyezheg Sant Gwenn

Longue vie à l’école St Gwenn ; longue vie à la filière bilingue de l’école St Gwenn.